Le pergélisol alpin continue de se réchauffer
La tendance au réchauffement du pergélisol alpin ne faiblit pas. C’est ce qui ressort des résultats les plus récents du réseau suisse de monitoring du pergélisol (PERMOS). Les températures très élevées du pergélisol sont la conséquence de conditions chaudes persistantes à la surface du sol. La formation tardive de la couverture neigeuse ces dernières années ainsi que le retard de la fonte des neiges en été 2016 n’ont que peu atténué cette tendance à long terme.
En Suisse, 2016 compte parmi les dix années les plus chaudes depuis le début des mesures. Les faits marquants ont été un hiver 2015/16 doux, un enneigement tardif, de fréquentes précipitations sur le versant nord des Alpes entre janvier et juin 2016, ainsi qu’une fin d’été et un automne très chauds. L’arrivée tardive de la neige a été favorable au pergélisol en permettant aux niveaux proches de la surface du sol de se refroidir quelque peu : grâce à l’absence prolongée d’une couche de neige isolante, le sol a pu céder de la chaleur à l’air. Ce refroidissement hivernal du sol fut particulièrement prononcé en Engadine et sur le versant sud des Alpes, où il n’y a presque pas eu de neige jusqu’au début février. Par la suite, le temps humide du début de l’été a retardé la fonte des neiges, en particulier dans la partie occidentale des Alpes suisses ; sous la couche de neige, le sol a ainsi été protégé du réchauffement estival. Dans l’ensemble, la température moyenne annuelle du sol a été proche de la norme de ces 15 dernières années et environ 1°C plus fraîche qu’en 2015. Les parois rocheuses, sur lesquelles la neige n’adhère pas, font exception : vu que l’évolution de leur température suit celle de l’air ambiant, de tels sites sont restés très chauds en moyenne annuelle.
Tendance persistante au réchauffement en profondeur
Même si les températures de surface ont eu tendance à baisser, à 10-20 mètres de profondeur on continue toutefois d’observer une élévation de la température du pergélisol. Les valeurs atteintes constituent en maints endroits un record pour des séries de mesures désormais longues de 10 à 25 ans. La hausse est particulièrement marquée dans les pergélisols froids. Ainsi, au sommet de Stockhorn (3400 m), près de Zermatt (VS), la température est passée de -2.6 à -2.0°C entre octobre 2011 et octobre 2016, alors que durant le même lapse de temps, elle est remontée de -0.15 à -0.08°C dans le versant nord de la Pointe des Lapires (2500 m, Nendaz VS). Il faut noter qu’un pergélisol peut contenir une certaine proportion d’eau à l’état liquide. Comme corollaire au réchauffement, on constate que cette teneur en eau liquide s’accroît, en particulier là où la température du pergélisol est proche de 0°C.
Les glaciers rocheux se déplacent plus vite qu’il y a 20 ans
Les glaciers rocheux – des masses de débris rocheux et de glace en mouvement vers l’aval – continuent de se déplacer très rapidement. En de nombreux endroits certes, les valeurs record de 2015 n’ont pas été atteintes en 2016 (diminution de 10-20 %). Néanmoins, la vitesse à laquelle la plupart des glaciers rocheux progressent est un multiple de celle d’il y a 20 ans : il n’est pas rare qu’elle atteigne plusieurs mètres par an.
Des éboulements pendant l’automne 2016
Durant l’été 2016, on a observé nettement moins d‘éboulements que lors des étés caniculaires 2003 et 2015. Mais entre le 8 septembre et le début d’octobre, un certain nombre d’éboulements a été observé. De dimensions petites à moyennes, ceux-ci se sont déclenchés à partir de couches relativement proches de la surface. Cela tient à l’automne exceptionnellement chaud, mais aussi à la saison : la couche de dégel au-dessus du pergélisol atteint son épaisseur maximale (quelques mètres) en septembre et octobre.
Un pergélisol en déséquilibre avec les conditions climatiques actuelles
Les records et tendances au réchauffement du pergélisol observés dans les Alpes suisses sont la conséquence de conditions météorologiques chaudes tout au long de ces dernières années et décennies. Depuis le début des observations de PERMOS en 2000, on peut aussi remarquer que l’élévation de la température du pergélisol en profondeur a été plus importante que celle de la température de surface. Le pergélisol est donc encore trop froid par rapport aux conditions climatiques actuelles. Aussi, même si le temps anticyclonique sec à la fin de 2016 pourra peut-être atténuer passagèrement la tendance au réchauffement du sous-sol, surtout dans les zones à l’ombre, car le sol dépourvu de neige a pu se refroidir fortement, il faut néanmoins s’attendre à plus long terme, à ce que les températures du sol continuent d’augmenter, entraînant la poursuite du dégel lent mais continu du pergélisol.
Pergélisol
Le pergélisol est une portion du sous-sol gelée en permanence, composée notamment de matériaux rocheux ou éboulés. On le rencontre sous un peu plus de 5 % du territoire de la Suisse, typiquement dans des éboulis et des parois rocheuses de zones froides situées au-dessus de 2500 mètres d’altitude environ. La présence du pergélisol dépend moins de la température de l’air que de la température superficielle du sol. Celle-ci est fortement influencée par le rayonnement solaire et par la couverture neigeuse, notamment la date de sa formation et de sa disparition.
Glacier rocheux
Eléments de paysage constitués le plus souvent de blocs de roche grossiers comprenant une proportion élevée de glace, les glaciers rocheux actifs se déplacent vers l’aval, sous l’action de la pesanteur, de quelques décimètres à quelques mètres par année. Si la température monte, la glace se déforme plus facilement, ce qui accroît à son tour la vitesse de reptation des glaciers rocheux.
PERMOS
Le réseau suisse de monitoring du pergélisol (PERMOS) documente depuis l’an 2000 l’état du pergélisol alpin par des mesures de températures, de données géophysiques et de déplacements. Il est soutenu financièrement par l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), par l’Office fédéral de météorologie et de climatologie (MétéoSuisse) dans le cadre de GCOS Suisse et par l’Académie des sciences naturelles (SCNAT) et s’appuie sur les compétences de six partenaires : les universités de Lausanne, Fribourg et Zurich, l’EPF de Zurich, la Haute école spécialisée de la Suisse italienne (SUPSI) et l'Institut WSL pour l'étude de la neige et des avalanches SLF.