La mission de la CSC est de documenter les modifications de la cryosphère alpine. De plus, elle est responsable de la supervision de tous les réseaux nationaux de suivi à long terme de la cryosphère.en plus

Image : NASA Earth Observatory, Jesse Allen and Robert Simmonen plus

«2022 a été absolument exceptionnelle»

Matthias Huss est le mesureur en chef des glaciers en Suisse. En 2022, il a vécu une année extrême. La fonte de la glace et l’intérêt des médias n’ont jamais été aussi élevés. Les mesures actuelles sont en partie réalisées avec les mêmes méthodes qu’il y a cent ans.

Matthias Huss
Image : Annette Boutellier

Les séries de mesures des glaciers suisses sont les plus longues du monde. La position de certaines langues glaciaires est mesurée de manière interrompue depuis 140 ans, le volume de la neige et la fonte de la glace depuis plus de cent ans. Je suis responsable de ces mesures depuis 2016. La qualité des données, même celles des plus anciennes, est très bonne. Et il est fascinant pour moi de pouvoir poursuivre cette tradition. Nous utilisons en partie toujours les mêmes méthodes qu’à l’époque. D’une part, parce que les données restent ainsi consistantes et, d’autre part, parce que la technique de mesure la plus moderne ne peut pas livrer toutes les informations.

Nous sommes toutefois devenus beaucoup plus efficaces. Autrefois, il fallait des semaines pour établir le bilan de masse de grands glaciers. Même au glacier d’Aletsch, nous y arrivons aujourd’hui à deux en une seule journée. Le bilan du volume est mesuré aux moyens de longues perches que l’on enfonce en automne à plusieurs mètres de profondeur dans le glacier. Un an après, la perche dépasse en général nettement du glacier, et on peut ainsi savoir combien de glace a fondu.

En règle générale, je passe environ vingt jours par an sur les glaciers. Même si ces mesures ont quelque chose de répétitif, le contact direct avec mes objets de recherche est important. J’ai déjà emprunté certains chemins une cinquantaine de fois. Mais c’est aussi saisissant car je vis ainsi les changements.

L’an passé, j’ai encore été plus souvent sur les glaciers que d’habitude. La glace fond si rapidement qu’il a fallu, dans de nombreux endroits, déjà réajuster les perches en été. À la Place Concordia sur le glacier d’Aletsch, six mètres de neige ont fondu. Une photo des perches largement saillantes a fait fureur sur Twitter. L’intérêt des médias pour la fonte des glaciers a été énorme, également outre-mer.

En 2022, le volume des glaciers suisses a connu une perte de 6 pour cent. C’est absolument exceptionnel par rapport aux chiffres des cent dernières années. La modélisation de l’évolution future des glaciers constitue la deuxième partie de mon travail. Si nous respectons l’Accord de Paris et que les températures se stabilisent après 2050, un tiers de la glace des glaciers suisses pourrait être préservée. La langue du glacier d’Aletsch devrait encore s’étendre plus ou moins jusqu’à la Place Concordia. Si le réchauffement n’est pas freiné, l’entier des glaces des Alpes aura disparu en 2100, à l’exception de quelques restes au-dessus de 4000 mètres.

Les mesures des glaciers remontant loin dans le temps sont extrêmement importantes pour comprendre le changement radical du climat causé par l’homme. La science a besoin de chiffres pour ses modèles. Le recul visible des géants de glace touche aussi directement de nombreuses personnes, comme un signal d’alarme du changement climatique qui clignote de plus en plus fort.

Je ne me considère pas comme un militant. J'essaie simplement de transmettre les résultats de nos mesures et de nos études et de les placer dans un contexte. La fonte des glaciers me touche aussi personnellement. L’année passée, nous avons ainsi dû arrêter les mesures au glacier du Pizol, car il a entièrement fondu. C’est au Pizol que j’ai effectué mes premières mesures en 2006, alors que j’étais encore étudiant, et le premier amour est toujours quelque chose de particulier. En septembre 2022, j’y suis encore monté une fois pour aller chercher la dernière tige de mesure et faire mes adieux.


Matthias Huss est glaciologue et travaille au sein du groupe glaciologie au WSL à Birmens- dorf et à l’ETH Zurich ainsi qu’à l’Université de Fribourg. Depuis 2016, il dirige par ailleurs le réseau suisse des relevés glaciologiques GLAMOS qui, dans le cadre de la Commission Cryosphère de la SCNAT, est exploité par l’ETH Zurich et les universités de Zurich et de Fribourg. GLAMOS est financé par l’Office fédéral de l’environnement, MétéoSuisse, swisstopo et la SCNAT. En 2022, Matthias Huss est apparu pour la premièrefois sur la liste globale des «Highly Cited Researchers».

Le texte est paru dans le rapport annuel 2022 des Académies suisses des sciences.

Catégories

  • Cryosphère
  • Glaciers

Contact

Dr. Matthias Huss
Université de Fribourg
Unité de Géographie
Chemin du Musée 4
1700 Fribourg


Allemand, Français